Adolphe Martial Potémont, dit Martial : Lettre sur les éléments de la gravure à l’eau-forte - 1864

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Eau-forte, 201 x 164 mm (frontispice), 293 x 200 mm (image de chaque planche intérieure). Beraldi 19.

Série complète de quatre planches contenues dans une pochette portant un frontispice gravé, publiée par Cadart et Luquet et imprimée par Beillet et Forestier. Les quatre planches intérieures, numérotées 1 à 4 dans le sujet, sont imprimées sur papier vergé filigrané [ARC]HES. La pochette qui les contient est en papier vélin fin chamois. Excellent état général des planches, deux très petites déchirures dans la marge à une planche, et de très rares rousseurs pâles. Toutes marges non ébarbées (feuille : 455 x 310 mm). Quelques petites déchirures restaurées sur les bords et le pli intérieur de la pochette ; petit manque de papier restauré dans l’angle inférieur droit. Dimension de la pochette fermée : 502 x 325 mm.

Très rare.

La pochette est ornée d’un frontispice figurant une petite lettre dépliée en trompe-l’œil accompagnée de son enveloppe. Il s’agit d’une brève note écrite par un certain Martial à Messieurs Cadart et Luquet. Il leur adresse une seconde lettre que lui aurait écrite un eau-fortiste de [ses] amis, un certain A. Potémont. Le titre de cette lettre est écrit sur l’enveloppe : Lettre sur les éléments de la gravure à l’eau-forte. Martial leur demande leur avis sur l’intérêt d’en publier un fac-similé, comme l’auteur l’y autorise. Ce sont les quatre planches imitant les pages d’une lettre que contient la pochette. Adolphe Martial Potémont exploite ainsi non seulement deux procédés rhétoriques classiques : la lettre dans la lettre et le double auquel il donne son nom, mais il se sert de surcroît du trompe-l’œil pour accréditer son récit : comment douter de l’existence d’une lettre dont il montre l’image ?

On sait peu de choses sur la genèse de cette « lettre ». L’enveloppe et la lettre signée Martial qui servent de pièce de titre à la série portent la date Juin 1864. Quant à la lettre de quatre pages signée A. Potémont elle est datée 1860. Il s’agit très certainement du « Traité d’eau-forte par Martial. Résumé en quatre feuilles in-folio » décrit parmi les nouveautés « en vente chez MM. Cadart et Luquet » à la fin de l’Almanach de la Société des Aqua-fortistes de 1865 : « Ce petit traité, présenté sous la forme familière d'une lettre à un ami, donne à quiconque sait dessiner les procédés professionnels de la gravure à l'eau-forte, avec l'exemple gravé en regard de l'explication. Avec ce traité, deux heures suffisent pour savoir, en fait d’eau-forte, tout ce qui est théorie. La pratique et l’expérience font le reste. »

Martial Potémont expose avec humour quelques conseils de base censés permettre aux débutants de « ne pas perdre trop de temps aux misères du métier » et de bientôt « ressusciter Callot, Israël ou Rembrandt ! ». Des images d’outils et de gravures illustrent son propos. Il décrit ainsi le matériel nécessaire et les différentes étapes de la gravure : préparation de la plaque au vernis, gravure, morsure, impression d’épreuves et retouches éventuelles. Les plaques de cuivre peuvent s’acheter chez un planeur réputé, la maison Godard, rue de la Huchette. Quant aux outils et aux produits nécessaires on les trouve chez Cadart et Luquet, au 79 rue de Richelieu, siège de la Société des Aqua-fortistes : pointes de différentes grosseurs, grattoir, brunissoir, étau à main, boule de vernis, tampon d’ouate, essence de térébenthine et bouteille d’acide nitrique. Les amateurs trouveront à la même adresse un atelier d’eau-forte où ils pourront recevoir des conseils.

La première étape consiste à vernir la plaque maintenue dans un étau : elle doit être nettoyée, chauffée puis enduite de vernis à l’aide d’une boule que l’on fait fondre sur la plaque chaude ; la plaque doit ensuite être enfumée : les traits qui seront tracés dans le vernis devenu noir mettront ainsi à nu la plaque de cuivre rouge et apparaîtront en contraste. La seconde étape est celle de la gravure c’est-à-dire du dessin sur la plaque à l’aide des outils de différents calibres. Il est possible de dessiner directement ou de reporter sur la plaque un dessin à l’aide d’un papier végétal et de sanguine ou pastel. Les repentirs sont permis en appliquant du vernis au pinceau sur un « faux trait ».

Potémont préconise d’utiliser les pointes de la plus épaisse, au premier plan, à la plus fine, à l’arrière-plan, afin de créer des dégradés, mais ajoute-t-il plaisamment : « quelle que soit votre manière d’opérer, faites-vous comprendre et ce sera bien - vous voyez que je suis accommodant ! ». Vient ensuite la morsure. Après avoir protégé les bords de la plaque et, éventuellement, le verso, il s’agit de la placer dans une cuvette contenant un liquide composé pour moitié d’eau et pour moitié d’acide nitrique. Potémont conseille de mordre la plaque de cinq minutes en cinq minutes (dix minutes en hiver) afin de contrôler la progression de la morsure et de recouvrir au fur et à mesure les parties suffisamment mordues.

L’étape suivante est celle de l’impression qui peut s’effectuer chez un imprimeur ou chez soi si l’on possède une presse. Potémont souligne l’importance de l’impression, et donc de l’imprimeur, en prenant pour exemple l’illustration centrale de la 4e planche au sujet de laquelle il précise : « C’est l’ouvrier qui a mis les ombres avec l’encre d’impression d’après un estompage que j’ai fait sur la première épreuve ». Notons à ce propos que les épreuves de cette illustration sont très différentes d’un exemplaire de la Lettre à l’autre : ainsi, les zones où un voile d’encre a été conservé et celles où la plaque a été soigneusement essuyée ne sont pas exactement les mêmes sur notre tirage et sur les deux exemplaires du Rijksmuseum.

Si les épreuves imprimées ne satisfont pas entièrement l’artiste, dit Potémont, il peut effectuer des retouches sur sa plaque soit en accentuant certaines tailles ou en en ajoutant, soit en adoucissant certaines parties à l’aide du brunissoir ou du grattoir, ou bien encore en repoussant le cuivre au verso de la plaque. Il insiste enfin sur la patience nécessaire à l’aquafortiste dans toutes les étapes de la gravure. Lors de la morsure, le seul précepte, pour qui en voudrait absolument un, serait : « regardez-y sans cesse et la reregardez ». C’est aussi le mot de la fin : « Un seul mot d’ami pour finir - Faites plusieurs essais ; ayez quelque patience ; la chose en vaut la peine. »

Référence : Janine Bailly-Herzberg : L’Eau-forte de peintre au dix-neuvième siècle. La Société des Aquafortistes, 1862-1867, Paris, 1972.