Odilon REDON : Lutte de cavaliers - 1865
Prix : 22 000 €
Eau-forte, 83 x 182 mm (à l’image), 100 x 200 mm (à la cuvette). Mellerio 4, état non décrit ; Harrison 3, 1er état ou état intermédiaire entre le 1er et le 2e état (sur 3).
Rarissime épreuve antérieure au 2e état décrit par Harrison : avant la transformation de toute la moitié supérieure de la planche et avant de nouveaux travaux dans la partie inférieure et l’ajout de la signature O. REDON sur un rocher en bas à droite.
Le 1er état décrit par Harrison n’est connu que par une seule épreuve « dans la collection de David Tunick, Inc., New York (ex-coll. Richard Bühler, (ex-coll. Richard Bühler, Winterthur), signée au crayon "Odilon Redon" en petites capitales en bas à droite » (Harrison, traduit par nous). Selon Harrison, le 1er état, c’est-à-dire l’épreuve de la collection David Tunick, est « presque achevé, à l’exception du ciel. ‘Od. Redon’ gravé légèrement dans la cuvette en bas à gauche ».
La photographie de l’épreuve appartenant à David Tunick dans le catalogue raisonné de Harrison n’est pas d’une qualité suffisante pour que nous puissions bien la comparer avec la nôtre. Il est possible que la nôtre comporte quelques nouveaux travaux dans le ciel et sur les rochers et que le trait d’encadrement soit mieux défini. Seule la comparaison des deux épreuves permettrait de juger. Nous ne voyons pas sur notre épreuve la signature gravée ‘Od. Redon’ dans la cuvette en bas à gauche, à moins qu’elle n’ait pas été encrée.
On ne connait que deux épreuves du 2e état, l’une conservée au Rijksmuseum d’Amsterdam, l’autre à l’Art Institute of Chicago. Le 3e état, où la plaque est réduite à droite d’un tiers de sa longueur, a été tiré en 1886 à 30 épreuves signées au crayon. Un tirage posthume a été effectué en 1922 à la demande de Madame Redon.
Superbe épreuve, aux noirs riches et profonds, imprimée sur papier vélin blanc épais, signée en petites capitales à la mine de plomb en bas à droite dans la marge du cuivre : ODILON REDON. Grandes marges (feuille : 200 x 300 mm).
Très bon état de conservation général. Quelques rousseurs dans les marges ; le coup de planche, légèrement fracturé sur les bords droit et gauche en raison d’une forte pression au tirage, a été restauré. Quelques petites épidermures au verso.
Lutte des cavaliers fait partie d’un ensemble d’eaux-fortes gravées par Odilon Redon à l’époque où il apprenait la gravure auprès de Rodolphe Bresdin. On retrouve dans plusieurs le paysage de rochers angoissants, les cavaliers errants ou combattants et les cieux agités.
Peter Morse a montré l’influence de La Chanson de Roland dans les premières eaux-fortes d’Odilon Redon. On sait qu’il connaissait bien cette chanson de geste. Il avait parcouru les paysages des Pyrénées françaises et espagnoles, qui le fascinaient et s’était même rendu à Roncevaux, où est située la mort du neveu de Charlemagne, et avait peint Roland à Roncevaux en 1862 (aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Bordeaux). Selon Peter Morse, Lutte des Cavaliers pourrait illustrer un épisode de La Chanson de Roland : « Ces deux cavaliers combattant pourraient bien être l’empereur Charlemagne et l’émir Sarrasin Baligant au paroxysme de leur lutte. Le cavalier de gauche porte une barbe, comme il est dit de Charlemagne. Le cavalier de droite est coiffé d’un heaume de style mauresque. Ils sont absolument seuls ; or, le poème dit que tout combat cessa sur l’ensemble du champ de bataille lorsque les deux chefs entrèrent en lutte, leur laissant le soin de décider du dénouement pour tous. » Peter Morse précise cependant que cette interprétation n’épuise pas l’œuvre : « Redon souhaitait sans aucun doute que son eau-forte soit considérée comme de l’art pur et non comme une illustration. Nous pouvons continuer à la regarder à sa manière, et en même temps l’apprécier davantage grâce à cette exégèse. » (The Etchings Of Odilon Redon, préface, pages XI-XII ; citations traduites par nous).
Références : André Mellerio, Odilon Redon, Peintre, dessinateur et graveur, 1923 ; Sharon R. Harrison : The Etchings Of Odilon Redon, 1986.