Jacques-Louis DAVID : Étude pour la figure de Mirabeau nu debout, bras levé

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Prix : 65 000 €

Lithographie, 252 x 171 mm (image). Bordes Dessins 20 (commentaire), Rosenberg et Prat 114 (commentaire).

Belle épreuve imprimée sur papier vergé collé sur carton. Légère oxydation à l’ouverture du passe-partout et quelques rousseurs dans le sujet. Une légère griffure. Feuille : 264 x 171 mm. Annotation à la plume et à l’encre sur le recto du passe-partout en pied : Essai impromptu sur la pierre lythographique. / Par Louis David auteur du Serment des Horaces. / La pierre a été brisée après le tirage de trois épreuves. Annotation au verso du carton de montage à la plume et à l’encre : Coll. de P. M. Gault. de Saint Germain et n°199 et autre annotation en pied, légèrement rognée, à la mine de plomb : Cette figure est un souvenir de l’étude de Mirabeau pour le serment du jeu de Paume. Le verso porte également deux esquisses de main à la mine de plomb ainsi qu’une annotation tronquée à la plume et à l’encre Eau… et le numéro 403 à la mine de plomb.

Provenance : Pierre-Marie Gault de Saint-Germain (1754 - 1842), peintre, historien de l’art et critique d’art, mari de la peintre Anna Gault de Saint-Germain. Sa signature au verso.

Cette épreuve figure dans l’Inventaire de ma collection artistique et de mes manuscrits inédits dressé par Gault de Saint-Germain en 1839 (Paris, École des Beaux-Arts, ms 329). Elle est ainsi décrite dans sa Notice des dessins de la Collection de Pierre Marie Gault de Saint Germain, littérateur, amateur : « David (Louis) auteur du Serment des Horaces etc. […] Essai lithographique d’après l’étude pour Mirabeau dans son tableau du Serment du jeu de paume, à Versailles. C’est la seule épreuve du crayon lithographique de ce célèbre artiste, qui a fait brisé [sic] la pierre, devant lui, après le tirage de deux épreuves. » (f° 435).

Cette épreuve faisait peut-être partie des dessins de la collection de Gault de Saint-Germain vendus le 19 mars 1839 par le commissaire-priseur Gitton de la Ribellerie. Il est difficile en effet de l’affirmer car le catalogue de la vente ne décrit pas le détail des lots. Le procès-verbal de la vente figurant dans les archives du commissaire-priseur aux Archives de Paris ne permet pas non plus d’identifier précisément les quelques dessins de David mentionnés dans les différents lots (Archives de Paris, cote Sect. III, D39 E3 5).

La lithographie reproduit de façon assez précise un dessin à la mine de plomb, avec mise au carreau, conservé au Musée Bonnat de Bayonne (AI 1899, NI 522 ; Bordes cat. n°20). La feuille mesure 281 x 207 mm et date sans doute de 1791 (Rosenberg et Prat, p. 125).

Il est intéressant de noter que Gault de Saint-Germain a classé cette lithographie dans sa collection de dessins, la considérant comme une œuvre autographe de David, issue de son « crayon lithographique ».

Son montage est d’ailleurs typique des montages réalisés pour présenter des dessins, avec ses encadrements à la plume, son filet doré, son lavis de couleur et sa légende manuscrite en pied.

L’existence de cette lithographie n’était jusqu’ici connue que par les manuscrits de Gault de Saint-Germain, cités par Philippe Bordes puis par Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat. Dans son étude exhaustive sur Le Serment du Jeu de Paume de Jacques-Louis David, Philippe Bordes note à propos du dessin conservé à Bayonne, que « Selon P. Gault de Saint-Germain, David aurait exécuté son unique essai lithographique d’après cette figure et aurait fait briser la pierre après le tirage de seulement deux épreuves (Paris, Ecole des Beaux-Arts, ms 329, f° 435). » (Bordes, p. 199-200).

Dans leur catalogue raisonné des dessins de Jacques-Louis David, Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat notent que : « Bordes cite le manuscrit 329 de l’École des Beaux-Arts de Paris, selon lequel (folio 435), d’après Gault de Saint-Germain, David aurait exécuté une tentative de lithographie d’après cette figure. La pierre aurait été brisée après le tirage de deux épreuves, dont aucune n’est connue. » (Rosenberg et Prat p. 125).

Dans nos recherches sur cette estampe, nous avons découvert cependant que le musée Lansyer de Loches conserve une épreuve de cette lithographie (numéro d’inventaire 2013.0.780, épreuve numérisée consultable en ligne) entrée dans les collections du futur musée Lansyer avec le legs du peintre et aquafortiste Emmanuel Lansyer (1835 - 1893) à sa ville natale de Loches. L’épreuve porte en pied une annotation similaire à la nôtre : Mirabeau du serment du jeu de Paume. La feuille, signée ou annotée David à la mine de plomb en bas à gauche, mesure 322 x 207 mm. 

Si, comme l’indique Gault de Saint-Germain dans l’inventaire de sa collection, David n’a fait imprimer que deux épreuves, la nôtre était la sienne, l’autre étant celle du musée Lansyer. L’annotation manuscrite sur le passe-partout de notre épreuve mentionnant par contre trois exemplaires, il pourrait exister une autre épreuve, qu’il reste à localiser.

En dehors de cet « Essai impromptu sur la pierre lythographique » Jacques-Louis David n’a pas gravé lui-même. Il a en revanche collaboré à la création de la gravure du Serment du Jeu de Paume par Dominique-Vivant Denon : « nous travaillons en ce moment concurremment [c’est-à-dire ensemble] à la gravure du tableau du Jeu de Paume », écrit-il (cité par Bordes, p. 85). Dominique-Vivant Denon, qui a par contre beaucoup gravé, est l’un des premiers en France à s’être intéressé à l’art de la lithographie tout juste naissant.

 Michael Henker précise que « l’invention de la reproduction lithographique faite à Munich en 1796/98 par le Bavarois Aloys Senefelder parvint en France dès l’année 1800 à l’instigation d’Anton André (1775-1842), un éditeur de musique d’Offenbach d’origine huguenote. La même année une imprimerie lithographique s’ouvrait à Paris, peu après, d’autres capitales européennes suivaient cet exemple. Napoléon lui-même témoigna un grand intérêt au nouveau procédé de reproduction. C’est ainsi qu’il envoya à Munich une commission d’officiers d’état-major, dont faisait partie également Dominique-Vivant Denon (1747-1825), directeur général des musées français. La commission se fit initier par Senefelder en personne dans son atelier. » (De Senefelder à Daumier, p. 9). La lithographie fut très vite utilisée pour reproduire des dessins de maîtres. 

 Il est très possible que Denon (ou un autre pionnier de la lithographie, tel Nicolas-Henri Jacob, qui fut l’élève de David) ait parlé de ce procédé à David et que celui-ci ait voulu tester cette technique révolutionnaire. Le dessin lithographique de la figure nue de Mirabeau est en effet pensé comme une reproduction du dessin, dont il reprend la plupart des traits, à quelques exceptions près (on peut noter par exemple l’absence du chapeau que Mirabeau tient de la main gauche dans le dessin). La question de la datation de la lithographie reste ouverte. Elle ne peut bien entendu pas avoir été réalisée au moment où David travaille à son projet, dans les années 1790-1791, ni même lorsque Denon grave sa version à l’eau-forte, vers 1793-1794. Elle peut en revanche dater de la première ou du début de la deuxième décennie du 19e siècle, l’existence d’imprimeries lithographiques à Paris permettant un tel essai. David peut également l’avoir réalisée durant son exil à Bruxelles, entre 1816 et 1825, date de sa mort, d’autant qu’il se préoccupe de nouveau de la reproduction de sa gravure au début des années 1820.

La figure nue de Mirabeau est l’une des « trois études isolées pour des personnages du Serment et toutes trois présentent la figure dénudée. » Les deux autres figures sont celles de Barnave et du père Gérard […]. « Sans doute étaient-elles destinées à être reportées sur la grande toile, à peine ébauchée, où la tête de Barnave est une des rares (avec celles des deux autres personnages cités plus haut) à avoir été peinte. […] Les dessins isolés de nus pour le Serment sont sans doute à placer au début de 1791, à peu près à l’époque de la feuille du Fogg […] » (Jacques-Louis David, 1748-1825, p. 125).

Références :

Philippe Bordes : Le Serment du Jeu de Paume de Jacques-Louis David : le peintre, son milieu et son temps, de 1789 à 1792. Notes et documents des musées de France 8. Paris: Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1983.

Michael Henker, Karlheinz Scherr et Elmar Stolpe : De Senefelder à Daumier : les débuts de l’art lithographique, 1988.

Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat : Jacques-Louis David, 1748-1825: catalogue raisonné des dessins. Milan: Leonardo arte, 2002.