Jean-Baptiste Camille COROT : Vénus coupant les ailes de l’Amour, 1re planche - c. 1869/70

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Eau-forte, 240 x 160 mm. Robaut 3132 (sous le titre Vénus coupe les ailes à l’Amour), Delteil 10, Melot 10.

Très belle épreuve imprimée sur papier vergé. Superbe état de conservation. Grandes marges (feuille : 325 x 224 mm).

Rarissime épreuve, du tout premier tirage, effectué par Alfred Robaut en 1873, dédicacée par lui à monsieur Brame / Alf Robaut et annotée au crayon en bas à gauche : Eau-forte originale de COROT (inédit).

Provenance : Hector Brame, fondateur en 1864 de la galerie Brame (aujourd’hui Brame et Lorenceau), puis par descendance.

 

Dans des notes manuscrites citées par Loÿs Delteil, Alfred Robaut, ami intime de Corot et rédacteur de son catalogue raisonné, précise les circonstances dans lesquelles il a reçu de Corot en 1872 trois cuivres inédits gravés quelques années plus tôt et les a fait imprimer en 1873 : la première version de Vénus coupant les ailes de l’Amour, Souvenir des fortifications de Douai  et le Dôme florentin.

« Le 6 juin 73 je fais faire chez Salmon l'essai de cette planche et des 2 qui suivent. J'en fais tirer de chaque 2 épreuves sur papier à la forme — de hollande — et 5 épreuves sur chine volant. C'est M. Delaunay Alf. qui a fait mordre les planches ; elles étaient, surtout le paysage qui suit, dans un état affreux. Le vernis s'était écaillé et les raies abondaient, par suite du frottement de ces planches dans un tiroir. C'est l'hiver dernier que le Maître les avait retrouvées, et qu'il me les a offertes, n'en ayant aucun parti à tirer lui-même... le 14 novembre 73 j'en ai fait tirer chez Cadart 2 épreuves de chaque sur japon. » (cité par L. Delteil, catalogue n°10)

Ce n’est pas la première fois que Corot abandonne son cuivre avant l’étape de la morsure. Claude Bouret, reconnaissant la place centrale des 14 eaux-fortes de Corot dans l’estampe du XIXe siècle, constate cependant qu’il « est incapable de faire mordre le cuivre ou d’imprimer des essais » de ses eaux-fortes et qu’il doit pour cela s’en remettre aux graveurs professionnels qui heureusement l’entourent et lui « apportent une aide technique décisive » : Félix Bracquemond, Jules Michelin, Alfred Delauney. C’est d’ailleurs Bracquemond qui incite Corot vers 1865 à retravailler son premier cuivre, Souvenir de Toscane, gravé vingt ans plus tôt, et à en imprimer quelques épreuves. L’eau-forte ne sera cependant publiée qu’en 1875 à la mort de Corot. Corot devra également se faire aider par Bracquemond ou Jules Michelin pour fournir à la Société des Aquafortistes (dont il fait partie dès ses débuts) trois gravures, qui seront publiées dans des livraisons de 1863 et 1866.

Aucune des deux versions de Vénus coupant les ailes de l’Amour n’ayant été publiée, les épreuves connues en sont rarissimes. Alfred Robaut mentionne un tirage à 9 épreuves effectué sous sa direction en 1873 (2 sur vergé de Hollande, 5 sur chine et 2 sur japon). En 1910, Loÿs Delteil cite trois épreuves vendues aux enchères : une épreuve provenant de la collection d’Hector Giacomelli, vendue 70 fr. en 1905 (imprimée sur Japon), et deux épreuves (l’une sur japon) ayant appartenu à Alfred Robaut, vendues respectivement 95 fr. et 90 fr. en 1907. Une épreuve provenant de la collection d’Alfred Robaut a été donnée à la Bibliothèque nationale par Étienne Moreau-Nélaton en 1927. L’épreuve conservée au Museum of Fine Arts de Budapest est dédicacée par Robaut à mon ami Roger Marx. Les cuivres des deux versions de Vénus coupant les ailes de l’Amour ont été achetés par Edmond Sagot à la vente de la collection d’Alfred Robaut en décembre 1907. Un tirage restreint en a été commandé vers 1920 par Maurice le Garrec.

Corot a dessiné plusieurs fois Vénus ou une nymphe désarmant l’Amour ou lui coupant les ailes. Le Louvre conserve notamment deux études à la mine de plomb : Vénus coupant les ailes à l’Amour (vers 1855) inclus dans un album de 58 feuillets (Robaut, n° 3049 – Louvre, n° 8707, carnet 12) ; et Nymphe désarmant l’Amour (vers 1856) dessiné dans un autre carnet (Robaut, n° 3095 - Louvre n° 8720, carnet 58). Corot a également exposé au Salon de 1857 une huile intitulée Nymphe désarmant l'Amour (Robaut n° 1100) qui se trouve aujourd’hui au musée d’Orsay. Outre les deux eaux-fortes, il a traité de nouveau ce sujet vers 1870 dans un dessin préparatoire : Vénus coupe les ailes à l’amour (Robaut, n° 2940 – Louvre, n° 8816) et une huile exposée à l’École des Beaux-Arts en 1875 : Vénus retient l’Amour et lui coupe les ailes (Robaut n°1998).

 

Références : Alfred Robaut, L'œuvre de Corot, catalogue raisonné précédé de l'histoire de Corot et de ses œuvres par E. Moreau-Nelaton, Paris, 1905 ; Loys Delteil, Le Peintre-graveur illustré, volume V, Corot, 1910 ; Estampes et dessins de Corot, Bibliothèque nationale, 1931 ; Michel Melot, L’œuvre gravé de Boudin, Corot, Daubigny, Dupré, Jongkind, Millet, Théodore Rousseau, Paris, 1978 ; Corot, le génie du trait. Estampes et dessins, Paris, 1996.