Jean-Baptiste Camille COROT : Jeune mère à l’entrée d’un bois - 1856

VENDU
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Cliché-verre à la pointe avec tamponnages, 345 x 265 mm. Robaut 3180, Delteil 59, Melot C. 59.

Très belle épreuve imprimée en bistre sur papier vélin salé, filigrané DE CANSON F[RERES]. Infimes éraflures dans l’angle supérieur gauche et un très petit manque à la pointe de l’angle inférieur gauche. Très bon état général. Feuille : 360 x 275 mm.

Rarissime épreuve de tirage ancien, très probablement du tout premier tirage, effectué par Adalbert Cuvelier.

Les plaques des clichés-verre dessinés par Corot en 1855 et 1856 ont été tirées pour la première fois par Adalbert Cuvelier (1812-1871). Conservées par son fils Eugène, quinze plaques, dont Jeune mère à l’entrée d’un bois, furent vendues en 1911 à l’amateur parisien Albert Bouasse-Lebel, pour qui Paul Desavary imprima les clichés de Corot entre 1911 et 1913 (dix à quinze épreuves de chaque plaque, sur un papier à l’ancienne fabriqué spécialement par Lumière à Lyon (Melot, 1978, p. 23). Maurice Le Garrec acquit en 1919 la collection de clichés-verre de Bouasse-Lebel et en 1921, il en fit un nouveau tirage sous emboîtage, intitulé Quarante clichés-glace de Corot, Daubigny, Delacroix, Millet, Th. Rousseau, tirés sur les plaques de la collection Cuvelier. Ces épreuves ont été imprimées « en noir, sur Néos ( ?) de la maison Lumière » (Le cliché-verre. Corot et la gravure diaphane, p. 108).

Notre épreuve est imprimée sur une feuille de papier vélin filigrané DE CANSON F[RERES]. Ce papier était couramment utilisé par les artistes dans les années 1850. Adalbert Cuvelier l’utilisait en particulier pour des tirages photographiques, comme il l’explique dans un communiqué de 1854 où il précise les procédés de préparation de papiers qu’il a mis au point : « Faute de bons papiers, je donne la préférence à celui de Canson frères, parce qu'il n'est pas plus mauvais que les autres et qu'il résiste mieux dans les bains. » (M. Cuvelier à M. Charles Chevalier. Arras, le 12 février 1854, in Guide du photographe, deuxième partie « Nouveaux mémoires et renseignements sur les moyens d’obtenir de belles épreuves sur papier [...] par messieurs G. Roman, Cuvelier, Dufaur, Laborde, […] », p. 46).

La Bibliothèque nationale de France conserve un contre-type exécuté à partir de notre épreuve (monté dans le tome 2 de l’œuvre de Corot conservé dans le fonds général du Département des Estampes et de la Photographie, cote DC-282(A)-FOL). Les contre-types sont des copies réalisées à partir de la matrice originale ou d’une épreuve de cette matrice. On remarque sur le tirage de la Bibliothèque nationale les infimes accidents de notre épreuve (légères éraflures dans l’angle supérieur gauche, petit manque dans l’angle inférieur gauche) qui ont été « photographiés » avec le reste de l’épreuve. Le contre-type de la Bibliothèque nationale de France provient d’un legs important de la collection de l’avocat Paul Cosson en juin 1926 ; il pourrait être l’œuvre de Charles Desavary (1837-1885), qui imprima certaines plaques de cliché-verre de Corot et en réalisa également de nombreux contre-types.

Les épreuves de tirage ancien sont rarissimes. P.-J. Angoulvent, qui a dressé un catalogue de l’œuvre gravé de Corot en 1926, parle de « 6 ou 7 épreuves » de chaque cliché (cité dans Le cliché-verre. Corot et la gravure diaphane, p. 108). Loys Delteil dans son catalogue publié en 1910 cite 5 épreuves de Jeune mère à l’entrée d’un bois. Notre épreuve serait celle de la collection de Félix Bracquemond citée par Delteil.

En 1853, à Arras, Corot s’initie à la très récente technique du cliché-verre auprès des artistes et photographes Léandre Grandguillaume et Adalbert Cuvelier. Cette technique consiste à dessiner à la pointe ou avec d’autres instruments tels que des brosses sur une plaque de verre enduite de collodion avant de pratiquer un tirage identique à ceux des négatifs photographiques, à la lumière du jour sur papier salé ou albuminé. Cette technique plaisait particulièrement à Corot qui produisit soixante-six clichés-verre.

« La figure de la mère debout, tenant son enfant dans ses bras, est un motif très fréquent chez Corot. Le croquis de la paysanne avec deux enfants, daté aux alentours de 1855-1860 (A. Robaut, I, p. 189, repr.), peut être considéré comme le prototype de plusieurs variantes. On revoit, presque trait pour trait, le même groupe attendrissant dans deux autographies, La Rencontre au bosquet et Une famille à Terracine. Partout, la pointe demeure légère et le tamponnage discret. Cette œuvre délicate exprime une sensation authentique de plein air ; la scène est baignée d’une clarté douce et diffuse, digne des plus beaux effets d’atmosphère des artistes impressionnistes. » (Corot, le génie du trait, p. 69).

Références : Alfred Robaut, L'œuvre de Corot, catalogue raisonné précédé de l'histoire de Corot et de ses œuvres par E. Moreau-Nelaton, Paris, 1905 ; Loys Delteil, Le Peintre-graveur illustré, volume V, Corot, 1910 ; Michel Melot, L’œuvre gravé de Boudin, Corot, Daubigny, Dupré, Jongkind, Millet, Théodore Rousseau, Paris, 1978 ; Le cliché-verre. Corot et la gravure diaphane, 1982 ; Alain Paviot, Le Cliché-verre. Corot, Delacroix, Millet, Rousseau, Daubigny, Paris 1995 ; Corot, le génie du trait. Estampes et dessins, Paris, 1996 ; Gravure ou photographie ? Une curiosité artistique : le cliché-verre, Arras, 2007.

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