D’après Johannes STRADANUS : Sculptura in æs - c. 1591

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[L’Invention de la gravure sur cuivre]

Burin, 203 x 274 mm. New Hollstein (Johannes Stradanus) 341, 1er état/4.

Impression du 1er état (sur 4), avant le numéro 19 dans la marge inférieure gauche, avec l'adresse de Philippe Galle, avant le remplacement de cette adresse par celle de Johannes Galle. Les épreuves du 1er état sont très rares.

Superbe épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (P gothique). Feuille en excellent état de conservation. Petites marges autour de la cuvette (feuille : 218 x 287 mm).

Sculptura in æs appartient à une série de vingt gravures dont la première porte le titre Nova Reperta [Nouvelles découvertes]. Cette série a été gravée d’après des dessins de Johannes Stradanus par plusieurs artistes qui n’ont pas tous été identifiés. Certaines planches sont signées par Theodoor Galle (planche numérotée 1) et Jan II Collaert (planches 15, 17 et 18). Quatre planches ont été par ailleurs attribuées à ce dernier : les planches portant les numéros 2, 12 et 16, ainsi que la page de titre (voir New Hollstein, The Collaert Dynasty, nos 1205-1211). La série a été éditée pour la première fois vers 1591 par Philippe Galle à Anvers et a été successivement rééditée par Karel de Mallery (après 1612), Theodoor Galle (avant 1636) et Johannes Galle (avant 1677).

La série Nova Reperta illustre certaines découvertes et inventions notables pour l’Europe de la fin du 16e siècle, de l’exploration de l’Amérique à l’exploitation de la canne à sucre, de l’invention de la boussole à la mise au point de la poudre à canon. Impressio librorum et Sculptura in æs, qui représentent respectivement une imprimerie typographique et un atelier de gravure en taille-douce.

Sculptura in aes [la gravure sur cuivre] représente les différentes opérations effectuées dans un atelier d’impression.  Au premier plan un graveur enseigne la technique à deux enfants, tandis qu’un troisième enfant assis devant un petit bureau à gauche s’exerce au dessin. Tous les autres acteurs sont occupés aux différentes tâches correspondant chacune à l’une des étapes successives de l’impression d’une plaque : préparation de l’encre et des feuilles, vernissage, chauffage et essuyage de la plaque, encrage, passage sous la presse, examen des épreuves, séchage des feuilles. La composition animée représentant ainsi les différentes phases de l’impression des estampes, à la fois dans l’espace et dans le temps, crée un mouvement qui n’évoque pas seulement l’effervescence d’un atelier mais le dynamisme d’une industrie nouvelle née d’une « invention technique », qui est le thème de la série des Nova Reperta.

Sculptura in æs insiste moins sur l’invention de la gravure sur cuivre que sur celle de la presse en taille-douce qui en a permis l’essor artistique. Ad Stijnman, qui a étudié de façon exhaustive l’histoire du développement des processus d’impression manuelle en taille-douce dans Engraving and Etching 1400-2000, note qu’à l’époque où la gravure sur cuivre est apparue en Europe, vers 1430, l'impression ne se faisait pas avec une presse mais à la main, en frottant le dos de la feuille posée sur la matrice, ce qui produisait des tirages très faibles et non homogènes. L’usage de presses à rouleaux, probablement inspirées des presses à textiles, a débuté dans les années 1460-1465. Selon Jacques Bocquentin, cité par Ad Stijnman, la première presse à rouleau est apparue vers 1460-1465 dans le Rhin supérieur, possiblement dans l’atelier du Maître E.S. (Stijnman p 39). La première représentation connue d’un atelier de taille-doucier est un petit bois gravé, attribué à Arnold Nicolai, introduit dans la 2e édition des Emblemata, et aliquot nummi antiqui operis de Johannes Sambucus, publiée par Plantin en 1564 à Anvers. La scène très rudimentaire ne comporte qu’un unique acteur. Sculptura in æs est la première représentation détaillée et réaliste d’un atelier de gravure en taille-douce, où la division du travail évoque à la fois la sophistication du procédé et la diffusion d’un nombre important d’épreuves.

Madeleine C. Viljoen voit dans cette estampe « à la fois une méta-gravure, qui illustre la façon dont les gravures sont faites, et la première image à promouvoir la mise en scène de la gravure au début de l’ère moderne (traduit par nous). » (p. 61) Elle juge qu’il y a une « mise en scène » au fait que « le calme de la scène que la gravure de Stradanus Sculptura in aes nous présente dissimule la réalité des ateliers d’impression au début de l’ère moderne, ateliers que les spécialistes décrivent comme bruyants, sales et pleins de tapage. » (p. 63-64). Cette vision idéalisée correspondrait selon elle à une nouvelle expression de l’union de labor et de diligentia. Cette « union du zèle et du travail, précise-t-elle, est un concept commun dans les estampes flamandes et néerlandaises au milieu du 16è siècle » (p-70). La lettre de la gravure d’Hendrick Goltzius Labor et Diligentia (1582) affirme ainsi : « Si le travail et le zèle ne sont pas épargnés, les arts engendreront diverses inventions. » (p. 70) 

Références : Ad Stijnman , “Stradanus’s Print Shop”, Print Quarterly, vol. XXVII (2010) n°1, p. 11 à 29 ; Ad Stijnman : Engraving and Etching 1400-2000A History of the Development of Manual Intaglio Printmaking Processes, 2012 ; Madeleine C. Viljoen : "Diligent labor in Stradanus's Engraving Shop" in Renaissance Invention : Stradanus's Nova Reperta, p. 61-73, 2020.