Abraham BOSSE : Les Imprimeurs en taille-douce - 1642

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Abraham BOSSE : Les Imprimeurs en taille-douce - Marque - Sarah Sauvin
Abraham BOSSE : Les Imprimeurs en taille-douce - Verso - Sarah Sauvin

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Eau-forte, 256 x 327 mm. Préaud 204 ; Blum 205 ; Lothe 254.

Très belle épreuve imprimée sur papier vergé épais filigrané (filigrane illisible) et rehaussée anciennement à la gouache. Filets de marges tout autour de la cuvette. Trace de pli horizontal dans la tablette, petites traces de colle ancienne dans les angles et le long du bord supérieur.

Provenance : Ernest Devaulx (1831-1901) : sa signature au verso suivie de la date d’acquisition 1868. « Cette collection d'estampes avait été formée dans le but d'établir un Dictionnaire général des graveurs et des lithographes de tous les temps et de tous les pays, pour lequel il rédigea environ 30.000 fiches restées incomplètes. Sous son prénom Théophile, ou sous son nom Th. Devaulx, il a écrit des articles sur la gravure et les ex-libris dans La Curiosité universelle, La Revue des Arts Décoratifs, La Revue des collectionneurs d'ex-libris, L'Estampe moderne. De nombreuses estampes, sur lesquelles figurent, au verso, la signature de l’amateur suivie d’une date sont aujourd’hui conservées dans des musées, comme par exemple le Museum of Fine Arts de Boston, la Bibliothèque nationale de France, ou le British Museum de Londres, pour ne citer que trois d’entre eux. » (Lugt 670).

On connait très peu d’estampes d’Abraham Bosse rehaussées de couleurs. Une épreuve de La Boutique du pâtissier (Lothe 249) conservée au Getty Research Institute à Los Angeles est coloriée à la gouache et à l’or. Elle porte en plus de l’adresse de Melchior Tavernier, son premier éditeur, celle de Jacobus Allard, un éditeur de cartes et estampes actif vers 1660 à Amsterdam sur lequel très peu d’informations semblent avoir été conservées. Cet état de La Boutique du pâtissier à l’adresse de Jacobus Allard n’est pas décrit dans les catalogues raisonnés. On sait que des estampes de Bosse ont été copiées par des graveurs et éditeurs néerlandais : Le Maître d’école et La Maîtresse d’école, gravés vers 1638, ont ainsi été copiés aux Pays-Bas par un graveur anonyme et édités par Claes Jansz. Visscher en 1645. L’épreuve de La Boutique du pâtissier, qui n’est pas une copie, prouve que des éditeurs hollandais, d’ailleurs nombreux à Paris à l’époque et entretenant des liens commerciaux et familiaux avec des graveurs et éditeurs français, pouvaient posséder des plaques originales de gravures de Bosse.

Notre épreuve des Imprimeurs en taille-douce ne porte pas d’autre nom que celui d’Abraham Bosse. Les coloris et la façon dont ils sont posés sur l’estampe sont proches de ceux de l’épreuve rehaussée de La Boutique du pâtissier qui pourrait provenir d’un même atelier de coloristes. Le gris bleuté des murs de pierre, le rouge carmin, le vert-bleuté, le jaune orangé des vêtements, le marron du bois sont semblables, de même que la couleur des chairs et les rehauts de rouge sur les joues. Le coloriste a bien respecté les ombres légères et la lumière douce de l’estampe,  choisissant des teintes qui mettent en valeur les détails importants de l’image : les trois imprimeurs, la presse centrale et les gravures aux marges blanches séchant sur les fils à l’arrière-plan.

Il nous est difficile de dire quand les coloris ont été apposés. Dans le chapitre Colouring Prints de son ouvrage The print before photography: an introduction to European printmaking 1550-1820, Antony Griffiths explique que les coloris étaient la plupart du temps apposés avant la vente, l’éditeur décidant de faire colorier par sa femme, ses enfants ou un coloriste quelques épreuves fraîchement imprimées. Il pouvait arriver aussi que ce soit un client ou un revendeur qui les fasse apposer. L’adresse de Jacobus Allard présente sur l’épreuve de La Boutique du pâtissier du Getty Research Institute est peut-être une piste. Suzanne Dackerman et Thomas Primeau ont montré que la tradition des « estampes peintes » était commune en Allemagne et aux Pays-Bas depuis la Renaissance.

Les Imprimeurs en taille-douce est l’une des estampes les plus connues d’Abraham Bosse. Il rédige alors son important Traité des manières de graver en taille-douce sur l’airain par le moyen des eaux-fortes et des vernis durs et mols. Ensemble de la façon d’en imprimer les planches et d’en construire les presses, pour lequel il obtient un privilège en 1642 et qu’il publie à Paris en 1645. Il s’agit du premier manuel technique de gravure. Il aura un grand succès, sera traduit et diffusé dès les années suivantes en Allemagne, aux Pays-Bas et en Angleterre, et connaîtra plusieurs rééditions, augmentées par Sébastien Leclerc puis par Charles-Nicolas Cochin au XVIIIe siècle.

Les Imprimeurs en taille-douce, ou plutôt Cette figure [qui] vous montre Comme on Imprime les planches de taille douce, et celle des Graveurs en taille douce au Burin et à Leaue forte, gravée un an plus tard, procède du même souci didactique. Dans son catalogue d’exposition, Abraham Bosse, savant graveur, Maxime Préaud a proposé cette version modernisée de sa légende : « Cette figure vous montre comment on imprime les planches de taille-douce / L’encre en est faite d’huile de noix brûlée et de noir de lie de vin, dont le meilleur vient d’Allemagne. L’imprimeur prend de cette encre avec un tampon de linge, en encre sa planche un peu chaude [au fond vers la gauche], l’essuie après légèrement avec d’autre(s) linge(s), et achève de la nettoyer avec la paume de sa main [à gauche]. Cela fait, il met cette planche à l’envers sur la table de sa presse, applique dessus une feuille de papier trempé et reposé, et couvre cela d’une feuille d’autre papier et d’un ou deux langes, puis en tirant les bras de sa presse, il fait passer sa table avec sa planche entre deux rouleaux. » (Préaud, p. 226)

Références : Maxime Préaud, Sophie Join-Lambert (dir.), Abraham Bosse, savant graveur, Paris, 2004. José Lothe, L’œuvre gravé d’Abraham Bosse, Paris, 2008. Susan Dackerman et Thomas Primeau, Painted prints: the revelation of color in Northern Renaissance & Baroque engravings, etchings & woodcuts, 2002.