Odilon REDON : La Peur, 1er état - 1866

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Eau-forte, 140 x 224 mm. Mellerio 6, Harrison 7, i/iii.

Rarissime impression du premier état (sur 3), avec la date gravée dans la marge du cuivre en haut à gauche et la signature gravée également dans la marge du cuivre, en bas à gauche. En 1986, Sharon R. Harrison ne mentionnait que trois épreuves connues de ce premier état conservées au Rijksmuseum d’Amsterdam, au Museum of fine arts de Boston et dans une collection privée suisse.

Superbe épreuve, aux noirs profonds, imprimée sur papier vélin, signée à la mine de plomb Odilon Redon et dédicacée à Monsieur Dumont.

Rousseurs éparses, une tache claire d’humidité dans la marge supérieure, bon état général. Grandes marges (feuille : 269 x 357 mm).

En 1866, Odilon Redon a 26 ans. Originaire de Bordeaux, il y fréquente Rodolphe Bresdin qui l’initie à la gravure. Si ses premières estampes empruntent à Bresdin leur technique et leur style, le thème et l’atmosphère sont cependant déjà propres à Redon.

Le titre de la gravure, La Peur, est d’Odilon Redon : il figure à la date de 1866 dans son « livre de raison » (Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, Ms 42820). Dans un paysage rocailleux à la fois typique des gravures de Bresdin mais également cher à Redon depuis sa découverte des Pyrénées, un cavalier tenant un enfant serré contre lui se dirige vers un précipice. Son cheval se cabre à la vue du danger. Valérie Sueur-Hermel remarque que ni le précipice ni l’enfant n’avaient été décrits par Mellerio mais que « la présence mystérieuse de cet enfant a été révélée par Sharon Harrison et lui a permis d’identifier une source probable à ce sujet (1986, p. XXIX) : la ballade de Goethe Le Roi des Aulnes, connue en France par une traduction de Charles Nodier. Ce poème […] commence ainsi :

 

Quel est ce cavalier qui file si tard dans la nuit et le vent ?

C’est le père avec son enfant ;

Il serre le jeune garçon dans son bras,

Il le serre bien, il lui tient chaud

 

et s’achève par la mort de l’enfant :

 

                Le père frissonne d’horreur, il galope à vive allure,

                Il tient dans ses bras l’enfant gémissant,

                Il arrive à grand-peine à son port ;

                Dans ses bras l’enfant était mort. »

 

Valérie Sueur-Hermel remarque que « le thème de l’enfant menacé revient à plusieurs reprises dans l’œuvre de Redon » et qu’« il pourrait être une allusion à la maladie infantile dont il souffrit, une forme d’épilepsie miraculeusement guérie en 1846. ». Elle ajoute que le monogramme « OR » sur le manteau du cavalier pourrait être une confirmation de ce lien personnel. Il évoque aussi le monogramme « BR » de son maître Rodolphe Bresdin souvent caché dans ses œuvres.

 

Références : André Mellerio : Odilon Redon, Peintre, Dessinateur et Graveur, 1923 ; Dr. Sharon R. Harrison : The Etchings of Odilon Redon: A Catalogue Raisonné, 1986 ; Rodolphe Rapetti (dir.) Odilon Redon, Prince du Rêve, 1840-1916, 2011.

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