Charles MERYON : Saint-Étienne-du-Mont, 6e état - 1852

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Eau-forte et pointe sèche, 247 x 130 mm. Delteil 30, Burty 44, Schneiderman 25, 6e état/8.

Impression du 6e état (sur 8), l’ouvrier debout au premier étage de l’échafaudage redessiné, les bras écartés au-dessus de la tête, mais avant l’ajout d’une affiche supplémentaire sur le mur à gauche et des inscriptions au faîte du Panthéon.

Très belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané Hallines. Très bel état de conservation. Une infime épidermure à droite de la rosace de Saint-Étienne-du-Mont. Toutes marges (feuille : 490 x 322 mm).

Rare épreuve. Richard S. Schneiderman n’a rencontré que deux épreuves de cet état dans les 97 collections qu’il a examinées : l’une au Detroit Institute of Arts (Detroit, Michigan), l’autre à New York, dans la collection de Frank W Raysor II.

Saint-Étienne-du-Mont est l’une des douze planches de la suite des EAUX-FORTES SUR PARIS gravées par Meryon entre 1850 et 1854. Cette production coïncide avec son déménagement :

« En 1850, Meryon quitta son logis de la rue S' André-des-Arts, pour aller occuper rue S' Etienne-du-Mont — dans la maison marquée de son monogramme sur la planche du Collège Henri IV — « un appartement où les chambres sombres se succédaient comme les cabines dans l'entrepont d'un navire » [Burty La Nouvelle Revue]. C'est dans cet appartement « sombre » qu'il exécuta la partie de son œuvre qui restera comme l'une des plus imprévues et des plus étonnantes manifestations du génie de l'eau-forte : la série des EAUX-FORTES SUR PARIS. » (Loys Delteil, introduction, p. 4)

La maison où emménage Meryon est sise au 26, rue Neuve Saint-Étienne-du-Mont (actuelle rue Rollin, près de la place de la Contrescarpe) : c’est donc un quartier familier qu’il représente en 1852 dans la planche Saint-Étienne-du-Mont, dont le format, vertical et étroit, est identique à celui de Tourelle, rue de la Tixéranderie (Schneiderman 24), autre planche de la série des Eaux-fortes sur Paris. La composition par contre est différente. Tandis que dans Tourelle, rue de la Tixéranderie, la vue sur la rue est dégagée et laisse voir entièrement la tourelle au centre de la planche, dans Saint-Étienne-du-Mont, la façade de l’église au centre est en partie cachée, à gauche par un côté du collège de Montaigu, à droite, par l’angle du Panthéon. L’image réunit ainsi trois édifices dont l’histoire récente est très différente. Si l’église Saint-Étienne-Du-Mont, qui a peu changé depuis le XVIIe siècle, illustre une certaine permanence du visage parisien, le vieux collège de Montaigu, fondé en 1314, a été démoli en grande partie entre 1844 et le début des années 1850 pour permettre la construction de la bibliothèque Sainte-Geneviève et l’agrandissement de la place : le collège à gauche de la planche n’est donc plus qu’un vestige promis à une imminente démolition. La construction de l’église du Panthéon, dessinée par Soufflot un siècle auparavant, et dont Louis XV avait posé la première pierre en 1764, s’était achevée sous la Révolution, où elle était devenue un temple républicain avant d’être de nouveau consacrée au culte catholique, puis de nouveau à la mémoire des grands hommes sous la monarchie de Juillet, et d’être finalement reconsacrée au culte en 1851 par Napoléon III. Les travaux représentés dans la planche de Meryon par les échafaudages dressés à l’extrémité du bras nord du transept où s’activent des ouvriers, semblent évoquer l’histoire agitée de l’édifice.

Aux 7e et 8e états de la planche, Meryon ajoute des inscriptions au faîte du Panthéon : au 7e état, la mention ST ENE DU MONT ET L’ANCIENNE BIBLIOTHEQUE STE GENEVIEVE rappelle que le collège de Montaigu a été transformé en salle de lecture pendant les travaux de construction de la nouvelle bibliothèque, inaugurée en 1851. Au 8e état, Meryon choisit de rappeler plutôt l’origine première du bâtiment : ST ENE DU MONT ET L’ANCIEN COLLÈGE DE MONTAIGU. Ce souci de la précision historique n’est pas sans rappeler les remarques agacées de Baudelaire, pourtant admirateur des eaux-fortes de Meryon, à l’époque où il tente de collaborer avec le graveur pour une édition des vues de Paris :

« Delâtre me prie de faire un texte pour l’album. Bon ! voilà une occasion d’écrire des rêveries de dix lignes, de vingt ou trente lignes, sur de belles gravures, les rêveries philosophiques d’un flâneur parisien. Mais M. Méryon intervient, qui n’entend pas les choses ainsi. Il faut dire : à droite, on voit ceci ; à gauche, on voit cela. Il faut chercher des notes dans les vieux bouquins. Il faut dire : ici, il y avait primitivement douze fenêtres, réduites à six par l’artiste ; et enfin il faut aller à l’Hôtel de Ville s’enquérir de l’époque exacte des démolitions. M. Méryon parle, les yeux au plafond, et sans écouter aucune observation. » (lettre à Poulet-Malassis du 16 Février 1860).

Cet attachement de Meryon pour le Paris qui disparaît sous ses yeux est manifeste dans l’ensemble de la série des Eaux-fortes sur Paris qu’il appelle, dans un reçu qu’il rédige en 1866, sa « suite de vues anciennes de Paris » (cité par Loys Delteil).

Références : Loys Delteil, Le Peintre-graveur illustré, tome second, Charles Meryon, Paris, 1907 ; Richard S. Schneiderman, The Catalogue Raisonné of the Prints of Charles Meryon, Londres, 1990.

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