Odilon REDON : Princesse Maleine (La Petite madone) - 1892

VENDU
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Eau-forte et pointe sèche, 121 x 66 mm. Mellerio 22, 1re édition.

Superbe épreuve de la première édition de 1892, imprimée sur vergé crème filigrané MBM et signée des initiales Od. R. au crayon dans la marge inférieure. Titrée princesse Maleine au crayon dans l’angle inférieur gauche de la feuille.

Très bon état général. Quelques très légères rousseurs et menues traces de salissure. Toutes marges non ébarbées (feuille : 360 x 275 mm).

Odilon Redon n’a tiré que 8 épreuves de Princesse Maleine, en encrant seulement les trois-quarts supérieurs de la plaque sur laquelle il avait gravé auparavant David (Mellerio 14) dont les tailles n’étaient pas entièrement effacées dans la partie basse. La hauteur de l’encrage varie légèrement selon les épreuves : sur celle-ci, la surface imprimée mesure 88 x 66 mm.

La veuve d’Odilon Redon a fait imprimer deux éditions posthumes de Princesse Maleine en 1922 par Louis Fort : 30 épreuves sur japon et 125 épreuves après aciérage de la plaque, également imprimées sur papier japon, pour illustrer le journal d’Odilon Redon À soi-même. Ces épreuves ayant été tirées sur la plaque entièrement encrée, on distingue des traits de David dans la partie basse. Quelques épreuves ont également été imprimées à une date plus récente sur vélin ou japon, avant que le cuivre soit perdu. Aucun de ces tirages posthumes ne présente la qualité de la première édition.

Le catalogue raisonné des estampes d’Odilon Redon par André Mellerio recense cinq épreuves de la première édition : trois sont conservées par l’Art Institute of Chicago, le Gemeentemuseum Den Haag et la Bibliothèque nationale de France ; une quatrième se trouve dans une collection privée à Paris ; la cinquième est mentionnée dans le catalogue Meisterwerke der Graphik de Kornfeld et Klipstein (1976). Une seule est signée Odilon Redon, trois autres sont signées des initiales Od.R. Il faut ajouter une sixième épreuve, conservée à l’Art Institute of Chicago, signée du nom entier de l’artiste.

Le titre Princesse Maleine se réfère à la pièce éponyme de Maurice Maeterlinck, écrite en 1889, qui raconte le destin tragique de la jeune princesse, amoureuse d’un prince ennemi de ses parents, et qui, après avoir été enfermée, sera empoisonnée et étranglée. « Il y a quelque chose de noir qui arrive » s’inquiète Maleine tandis qu’on prépare le poison (Acte III, scène 3). Les ombres noires de la gravure expriment la menace obscure que ressent la jeune princesse. La pointe sèche de Redon dessine avec grâce les traits de son visage (« Je ne l'ai vue qu'une seule fois... elle avait cependant une manière de baisser les yeux », Acte I, scène 3) mais noie  le corps de la jeune femme dans l’encre noire retenue par les barbes. Si Redon a partiellement effacé la plaque de David pour y graver Princesse Maleine, il a cependant voulu conserver les rayures horizontales qui avaient servi à biffer le cuivre : dans la nouvelle image, ces biffures deviennent les signes du destin tragique de la jeune femme. Seules les épreuves du premier tirage, aux noirs délicats et profonds, rendent parfaitement l’atmosphère symboliste et tragique de cette image.

La littérature occupe une place importante dans l’œuvre gravé d’Odilon Redon. Citons l’album À Edgar Poe (1882) ou les trois séries de planches de La Tentation de Saint Antoine, gravées d’après le texte de Gustave Flaubert et publiées entre 1888 et 1896. Mais son œuvre a également inspiré en retour des écrivains, notamment le jeune Maeterlinck, dont l’écrivain Iwan Gilkin rapporte qu’en 1887 les lithographies de Redon ornaient les murs de son cabinet de travail à Oostacker.